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La situation actuelle liée au coronavirus ne devrait pas manquer d’avoir des répercussions sur la valeur des actifs immobiliers. Les experts immobiliers devront les évaluer. Jacques Patron, fondateur de la société d’expertise et de conseil CEI en 2006, expert en immobilier près la Cour d’Appel de Paris, donne quelques premières indications, tout en affirmant que, chez CEI (aujourd’hui, filiale de la Caisse des Dépôts), « nous concevons notre métier en termes concrets et en raisonnant en « valeur » sur le long terme »…

Comment s’organise un expert immobilier en temps de confinement ?

Chez CEI, nous avions déjà une certaine « culture du télétravail » car nous couvrons tout le territoire national. Donc, nous continuons à fonctionner presque « comme d’habitude ». Et nous orchestrons toujours nos travaux en trois séquences : échange avec l’expert en charge sur la problématique posée après lecture des éléments de dossier ; échange après la visite (ce qui nous manque actuellement) et échange après la rédaction du projet de rapport avant envoi au client. Nous croyons beaucoup à un travail d’analyse à plusieurs « regards ».
Et pour la gestion de la société, Eric Delépine, directeur général ; Baptiste Franceschi, directeur du développement et moi-même échangeons, également, quotidiennement.

Quel premier bilan pour votre activité ?

L’impossibilité de réaliser des visites a, inévitablement, un impact sur l’activité traditionnelle d’expertise (telle que nous la concevons), qui subit un décalage dans le temps. Donc, nos missions sont plus « courtes » et nous les réalisons de manière adaptée à cette situation exceptionnelle, en plein accord avec nos clients. Par ailleurs, nous avons développé notre activité de conseil, permettant d’offrir des services pouvant plus facilement être réalisés à distance. Nous avons plusieurs missions de ce type en cours avec certains clients prévoyants, qui préparent ainsi la reprise.
Mais, bien entendu, l’activité est réduite en cette fin avril. Pour autant, personne n’est en chômage partiel chez CEI, bien au contraire et nous mettons à profit la période pour avancer certains chantiers internes dont les résultats seront visibles très bientôt…

Vous travaillez avec la puissance publique. Avantage ou inconvénient, actuellement ?

En effet, Eric Delépine et Baptiste Franceschi ont bâti un « vrai fonds de commerce public », qui représente environ 20 % du chiffres d’affaires de CEI. L’Etat et tous ses démembrements font confiance à notre société pour les dossiers complexes. Quelques exemples : la mission dite « Optibaux 2 » consistant à accompagner la Direction de l’Immobilier de l’Etat (Bercy) dans les renégociations de certains baux en région parisienne ; Paris La Défense nous a confié une mission très complexe en période de confinement… et CEI a récemment réalisé plusieurs missions d’évaluation de patrimoines de logements sociaux ou encore, en ce moment même, une mission portant sur des logements intermédiaires disséminés sur l’ensemble du territoire national…

Quel impact la situation actuelle peut-elle avoir sur les valeurs ?

Il est encore un peu trop tôt pour être catégorique et chez CEI, nous concevons notre métier en termes concrets et en raisonnant en « valeur » sur le long terme. Nous consultons beaucoup les analyses macro-économiques toujours très éclairantes des experts de notre actionnaire, la Caisse des Dépôts et Consignations.
Néanmoins, quelques tendances semblent se dessiner selon les catégories d’actifs.
Ainsi, l’immobilier de santé, de bureaux et la logistique sont probablement les segments les plus résistants en raison notamment de taux de vacance faibles, de baisse du nombre de projets à venir, ce qui serait de nature à soutenir les loyers même en cas de demande faible.
Concernant le résidentiel, on peut, en effet, entrevoir plusieurs facteurs négatifs (hausse des taux et sélectivité accrue, pression sur les prix de présentation, hausse du chômage…), mais qui devraient être compensés par cette « valeur refuge » bien ancrée dans l’esprit français.
En revanche, sur l’immobilier de commerce, d’activités, de tourisme au sens large et d’hôtellerie en particulier, la contraction sera la plus forte. Nos expertises de septembre et décembre devront, plus que jamais, appliquer une analyse très spécifique, particulièrement attentive à tous les éléments constituant de la valeur (qualités de la commercialité du site, de l’immeuble, du preneur, durée ferme du bail…).

Et quelles conséquences sur le métier d’expert ?

Comme toujours, CEI ne raisonnera pas en terme de statistiques et seulement par comparaison avec un passé « dépassé », mais grâce à des analyses multicritères et adaptées à chaque bien. Donc, du « sur mesure » et pas de « prêt à porter ». Il faudra impérativement écarter le seul raisonnement statistique car, comme disait le Premier ministre britannique Disraeli, « il y a trois sortes de mensonges : le direct, l’omission et les statistiques ».
Chaque actif sera analysé en terme de valeur sur le long terme (bien plus complexe et pertinent) et non de prix, reflet instantané statistique basé sur des comparaisons du passé, souvent en prix de convenance.

Comment les experts peuvent-ils s’y préparer ?

L’habitude est une seconde nature, dit-on. Pour certains se sera difficile. Chez CEI, c’est notre ADN que cet esprit d’analyse fine nécessitant plus de travail, beaucoup d’expériences (nous avons vécu deux crises) et d’humilité.
Et cette adaptation devra passer également par une « revalorisation » du métier d’expert, à pratiquer par de vrais professionnels indépendants de toutes autres activités et par une meilleure rémunération de ce travail…

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